La Turquie a critiqué la stratégie russe en Syrie. « L'allié principale » des États-Unis, baptisé ainsi par le département d'État, considère les actions de Moscou comme insuffisantes, a déclaré le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu. Selon lui, il faut que la Russie arrête à soutenir le président syrien Bachar el-Assad et n'insiste plus sur le fait qu'il doit rester au pouvoir.
Plus tard, le président turc Recep Tayyip Erdogan a fait une déclaration, selon laquelle il espérait que la Russie rejoignait les États-Unis et arrête à protéger Bachar el-Assad.
Aydin Mekhtiev, politologue, membre correspondant du Centre d'études diplomatiques et stratégiques de Paris (CEDS), a précisé la position turque dans une interview accordée à Pravda.Ru.
« La position turque ne change pas dès le début du conflit en Syrie. Le président turc Erdogan insiste toujours sur le fait que le régime de Bachar el-Assad est illégal alors que le dirigeant syrien doit être destitué. L'incident avec un chasseur russe abattu par la Turquie, qui a eu lieu en novembre 2015, a empiré les relations russo-turques ce qui a obligé Ankara à faire des concessions dans la question syrienne pour normaliser les rapports bilatéraux. Ainsi, la destitution d'Assad a été levée de l'ordre du jour par la Turquie », a déclaré l'expert.
Selon lui, en ce qui concerne le régime de cessez-le-feu en Syrie, il y a des violations, mais elles ne sont pas considérables.
« D'après les dernières informations, avant les frappes de Donald Trump contre la base d'Al-Shayrat, la Russie, la Turquie et l'Iran ont partagé la Syrie en zones d'influences. Les forces aérospatiales russes y dominaient. La Russie soutenait le président Assad et ignorait le fait que la Turquie continuait ses opérations antikurdes, baptisées par Ankara « antiséparatistes », alors que cette dernière n'évoquait pas la destitution de Bachar el-Assad. Mais les frappes américaines ont radicalement changé la situation. La Turquie a soutenu Donald Trump et a repris les discussions sur la démission d'Assad. Le 7 avril, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et son homologue turc Mevlut Cavusoglu ont eu une conversation téléphonique lors de laquelle ils ont souligné l'importance du dialogue intersyrien. Bien que la question de changement de l'administration Assad n'ait pas été évoqué pendant la conversation, M. Cavusoglu l'a mentionné plus tard dans son discours prononcé devant les journalistes. Il a souligné que le gouvernement turc exigeait que la Russie soulève la question de changement de pouvoir en Syrie », a indiqué M. Mekhiev.
Selon l'expert, la visite du secrétaire d'État américain Rex Tillerson dans la capitale turque avant les frappes visait à élaborer une stratégie commune américano-turque.
« Ils se sont accordés sur cette stratégie. C'est pourquoi le président Erdogan a soutenu les frappes contre la base militaire d' d'Al-Shayrat et a appelé la Russie à mettre fin à la présidence de Bachar el-Assad », a-t-il souligné.
« Il sera très difficile à trouver un compromis. Moscou ne renoncera pas à soutenir Assad car sa démission contredit au but de l'opération russe en Syrie. À mon avis, la situation sera plus claire après la visite officielle de Rex Tillerson à Moscou. Selon The Sunday Times, le secrétaire d'État exigerait la démission d'Assad et la création d'un gouvernement provisoire sans sa participation qui serait au pouvoir jusqu'à la présidentielle syrienne. Mais Moscou n'acceptera jamais une telle initiative. »
Selon M. Mekhiev, le fait que la Turquie a fait des concessions ne signifie pas qu'elle est devenue alliée de la Russie comme l'Iran. « Alors, la Turquie n'est pas alliée de la Russie en Syrie. Elle a ses propres intérêts antikurdes. Toutes les alliances entre Ankara et Moscou sont provisoires, car les deux pays n'ont pas les mêmes objectifs ».