L’ancien chef du renseignement d’Israël parle de Trump

L'ancien chef du service de renseignement israélien « Nativ », Jacob Kedmi, analyste politique, a été parmi les premiers à présager la victoire de Donald Trump. Il confie en toute exclusivité à Pravda.ru ses prédictions concernant le mandat du nouveau président américain.

Jacob Kedmi. Il ne s'agit pas de se poser la question si Trump peut faire quelque chose. La véritable question est de savoir si on peut vraiment réformer l'Amérique ! Ce qu'il veut faire retourner son pays à la situation où les principaux moyens de production étaient localisés à l'intérieur des Etats-Unis où le capital restait était fructifié. Le moyen de le faire est de renoncer au rôle du gendarme mondial. Ce pays en fait trop et ne peut assurer tous ses engagements. A y regarder de près, les énormes richesses matérielles et intellectuelles accumulées aux Etats-Unis, le furent grâce aux deux Guerres Mondiales qui eurent ruiné le monde, mais eurent profité aux Etats-Unis. Ce pays était parmi les plus protégées et favorisées, mais le vent a tourné.

L'hégémonie politique américaine profite à l'économie américaine. Pour la plupart, les transnationales américaines sont des sociétés de droit privé qui mettent leurs revenus à l'abri loin des frontières américaines. Le grand objectif est de les faire rentrer au bercail pour construire une tout autre économie nationale. Autrement dit, ça équivaudrait à transformer les Etats-Unis en Japon pour faire vivre le peuple du fruit de ses mains et assurer son propre développement. Mais en même temps, le Japon se cantonne à ses propres îles.

Le plan de Trump consiste à faire retrouver aux Etats-Unis ses véritables frontières naturelles pour renforcer son pays de l'intérieur, mais ça ferait perdre à Washington une partie de son ascendant extérieur tout en limitant les revenus des plus grands monopoles internationaux. C'est sera la clé de voûte de la bataille principale à gagner. Trump en sortirait-il victorieux ? Qui vivra verra ! Mais le processus enclenché doit faire regagner aux Etats-Unis ses vraies dimensions au profit d'autres puissances qui ont émergé entretemps et qui exigent leur place.

- S'agit-il d'un processus irréversible ?

Jacob Kedmi. Pour être irréversible, il l'est.

- Mais Trump finirait bien par partir un jour. Il ne peut compter que sur 8 ans au maximum. Ce jour-là son successeur pourrait bien reprendre le flambeau d'une hégémonie mondiale.

JK. Je n'aime pas à faire des parallélismes avec l'Allemagne nazie, mais l'histoire doit bien servir à quelque chose. Hitler arriva au pouvoir en 1933. Six ans plus tard, l'Allemagne devint la première puissance européenne, l'une des premières au monde, avec une économie prospère et une grande armée. Sans entrer dans le concret, on peut en déduire qu'en 8 ans on peut abattre beaucoup de travail.

Prenons un autre cas de figure - l'Union Soviétique. En 1932, l'URSS fut encore dépourvue d'une armée moderne et d'une infrastructure industrielle. Elle peinait à replâtrer tous les dégâts de la Grande-Guerre. Mais, dans une période de 9 années, à partir de 1932 et jusqu'en 1941, le pays effectua un saut prodigieux qui lui permit de remporter la victoire dans la pire guerre de toute l'histoire de l'humanité. Donc, en 5, 6 ou 8 ans on peut faire énormément de choses, mais on peut aussi perdre beaucoup !

- Quelle serait la politique internationale de Trump ? A plus d'une reprise, il a avancé qu'il voudrait améliorer ses relations avec la Russie...

JK. Les Américains ne traitent personne d'égal à égal. Eux tous, y compris Trump, se considèrent comme « les premiers parmi ses pairs ». A ce jour, tous les traités passés avec la Russie, étaient conclus par les Américains comme s'ils avaient affaire à des Indiens qu'ils considèrent comme des peaux-rouges et point comme leurs égaux. Une telle attitude est solidement ancré dans le subconscient collectif des élites locales - économiques, étatiques, politiques et intellectuelles. Il s'agit d'un certain racisme : j'appartiens à une communauté qui est meilleure que les autres, c'est pourquoi je dois bénéficier de plus de droits et je peux vous prescrire à vous, les sauvages, votre modus vivendi. C'est bien ce qu'Obama a proféré le jour où il avait déclaré : « C'est nous qui fixons les règles auxquelles le monde entier doit obéir ! »

Donald Trump serait un peu moins rigide et agressif, mais une telle approche ne s'estompe pas sans changer de génération. La notion d'égalité est en contradiction avec le système américain, leur façon de vivre, leur approche générale. Parce que chez eux le principe « Prouve à tous que tu es le meilleur ! » est la pierre angulaire de l'idéologie nationale. Mais même si tu as plus de succès et que tu es meilleur que moi, tu n'es pas autorisé à dicter aux autres ce qu'ils ont et ce qu'ils n'ont pas à faire. En Amérique - si !