Menée tambour battant à Belgrad, cette action a été suivie d'un défilé en direction du palais présidentiel. Selon l'agence locale Tanyug, plusieurs centaines de personnes se sont réunies. Les activistes avancent qu'un militaire moyen n'arrive pas à nourrir sa famille tout en s'absentant de son domicile 250 jours sur 365 ce qui serait la cause principale de cette action sociale.
Piotr Iskanderov, chercheur en chef de l'Institut de cultures slaves, a répondu en toute exclusivité aux questions de Pravda.ru.
- Les militaires sont-ils prêts à aller jusqu'au bout ?
Piotr Iskanderov. Historiquement les militaires jouent un rôle à part dans les Balkans et en Serbie, en particulier. Sur une période longue de 30 dernières années, à partir de l'implosion de la Yougoslavie, l'armée a joué un rôle crucial pour résoudre les problèmes de la construction d'un nouvel Etat en Serbie et pour charpenter ses nouvelles relations avec ses voisins. C'est pourquoi il serait malvenu de sous-estimer l'influence dont jouit cette armée.
Mais il faut aussi prendre en compte qu'après l'évincement de Slobodan Milosevic, les militaires sont plutôt réservés et n'essaient pas d'influencer activement l'opposition politique existant intra muros. Cependant la situation socio-économique du pays est telle que les militaires s'étaient sentis forcés de prendre une part plus active désormais aux affaires internes. C'est que la Serbie a postulé pour adhérer à la CE et s'est vue obligée à suivre les réformes libérales qui enveniment maintenant sa position socio-économique. En outre, Bruxelles semble extrêmement mécontente de l'existence d'une armée serbe forte. L'Europe suspecte Belgrad de vouloir coopérer sur ce terrain avec la Russie. Les gestionnaires européens entreprennent des mesures pour affaiblir l'armée serbe.
On observé ici un entrelacs des problèmes socio-économiques et du mécontentement exprimé par certains cercles militaires estimant que le gouvernement du pays progresse trop dans le sens des exigences de l'UE. C'est pourquoi la coalition au pouvoir aurait du mal à passer l'éponge sur un tel mouvement social de l'armée, véritable pilier de l'État moderne, surtout à l'époque où la Serbie aurait à faire face à de nouveaux défis y compris le terrorisme international.
- L'armée serbe est-elle apte au combat ?
P.I. Oui. Aujourd'hui, nonobstant toutes les réformes menées et les conséquences des bombardements, l'armée serbe est devenue la clé de voûte militaire des Balkans. L'armée serbe prête main forte au gouvernement dans tous ses agissements contre le terrorisme visant à contrer les structures bellicistes qui prennent racine dans ce territoire y compris en faisant usage de la vague migratoire. Et, incontestablement, si l'armée serbe maintient ses mouvements sociaux, elle est sûre d'avoir gain de cause avec des concessions de la part du gouvernement dans les sphères socio-économique et politique. Le gouvernement serait obligé de tendre l'oreille.
Il est à noter que récemment, lors d'une conférence de presse organisée ensemble avec son homologue russe Sergheï Lavrov, le ministre des affaires étrangères de Serbie Ivica Dacic a déclaré que Belgrad voulait adhérer à l'UE, mais ne le ferait pas si ça allait mener à une détérioration de ses relations avec la Russie.
Et le ministre de reconnaître qu'en gros, l'adhésion à l'UE répondait aux intérêts de l'État. « Nous sommes un pays qui, géographiquement et politiquement, fait partie de cette région européenne », a déclaré Ivica Dacic. « Mais cela ne doit en aucune façon nuire à nos relations avec la Fédération de Russie », a-t-il ajouté.
Qui plus est, le diplomate a fait valoir que son pays n'entendait pas gagner l'Alliance Transatlantique. Comme avant, la Serbie a l'intention de rester neutre.