ORIENT

L'Etat Islamique tente de renaître au Maghreb

Zérohedge consacre un intéressant article aux tentatives de l'Etat Islamique de se restructurer au Maghreb, où il dispose déjà de quelques implantations. Il est vrai qu'en Syrie et en Irak l'Etat Islamique est condamné à plus ou moins court terme. Il continue à perdre du terrain, tant en Irak près de Mossoul, que devant les Kurdes au nord de la Syrie (Tabqa est assiégée) ou l'armée syrienne autour de Palmyre.

 

Même si l'armée irakienne est enlisée dans la vieille ville de Mossoul, où elle combat maison par maison, rue par rue avec les fanatiques combattants de l'EI - au point qu'avancer de 50 mètres en une journée, c'est remporter une énorme victoire - elle avance dans les quartiers périphériques et dans d'autres provinces de l'Irak (Salah al Din, Anbar etc.).

 

« L'Etat Islamique cherche à bouger vers les points faibles, comme le sont les pays du Maghreb », écrit Zérohedge, qui ajoute que « environ 8 à 11.000 combattants djihadistes viennent du Maghreb », dont 6 à 8000 de Tunisie, où l'EI dispose déjà d'une solide implantation dans la région de Kasserine, à la frontière avec l'Algérie. « Avec l'expérience des combats en Syrie et en Irak, ces combattants chevronnés constituent une grave menace pour la stabilité de leurs patries respectives », continue le magazine.

 

 

La Tunisie, maillon faible du Maghreb

 

La bataille contre le terrorisme au Maghreb a déjà commencé, notamment en Algérie qui a accumulé en vingt ans un important arsenal et dépensé plus pour sa défense que ses trois plus proches voisins : Maroc, Libye (!) et Tunisie. Avec 1.200 kilomètres de côte qui peuvent servir de points de départ pour les migrants venus du Maghreb ou de l'intérieur du continent, et ses ressources d'hydrocarbures stratégiques pour l'Europe, l'Algérie joue un rôle clé et sa déstabilisation éventuelle - par exemple, dans le cadre d'une succession post-Bouteflika mal négociée - deviendrait un cauchemar pour l'UE.

 

En Tunisie, nombre de djihadistes issus du pays se sont retrouvés dans les rangs de l'Etat Islamique ou du Front al Nusra (Al Quaïda). D'autres sont actifs au sein de la branche d'Al Quaida au Maghreb (AQMI) qui rayonne sur l'ensemble du Sahel. Les islamistes locaux du Mali, du Niger et de la Mauritanie se regroupent aussi pour étendre leur influence ; les attaques sur l'armée malienne vont maintenant jusqu'à la frontière du Burkina Faso... une menace diffuse et prégnante qui met les troupes françaises présentes dans la région à rude épreuve.

 

D'autres islamistes se sont regroupés dans la Libye, déstabilisée par la guerre civile qui a fait suite à l'intervention armée franco-américaine, sous le mandat de Nicolas Sarkozy. Ce pays est clairement le plus affaibli dans la région, et nombre d'organisations sunnites extrémistes y ont transféré leurs états-majors, selon les experts du Pentagone qui n'excluent pas une nouvelle intervention. Pour quel avenir ?

 

 

Au Mali, la France en première ligne face aux djihadistes du désert

 

Officiellement, 30 soldats français sont morts au Mali depuis le début de l'engagement français en 2013. « On a beaucoup de pertes liées aux embuscades. Un ou deux morts, plusieurs blessés. Comme ça, ce n'est pas très impressionnant, mais mis bout à bout ça fait plusieurs dizaines de morts, et ça met le moral des troupes à zéro. On a l'impression qu'on peut se faire tuer partout, que le contrôle de la situation nous échappe totalement », nous explique un officier français de retour du nord du Mali.

 

« Ils connaissent nos points faibles. Ils vont planquer leur dépôt d'armes ou se planquer avec des armes dans une mosquée, une école ou un dispensaire. Ils savent qu'on ne va pas tirer les premiers sur ces objectifs, contrairement à d'autres forces armées. Alors ils tirent les premiers et comme ils ont l'effet de la surprise, ils ont le temps de faire une ou plusieurs victimes. Certes, on a plus de force, la maîtrise des airs etc. Mais on n'a pas assez de moyens pour mettre une couverture aérienne pour les troupes tout le temps, et eux ils savent tirer partie des conditions climatiques - par exemple mettre à profit les tempêtes de sable pour se fondre dans le désert, ou miner les pistes - pendant ces tempêtes on ne peut pas faire de reconnaissance aérienne », continue-t-il.

 

« Plusieurs groupes terroristes du Mali et des régions voisines, à savoir Ansar Dine, Al Mourabitoun, les brigades Massina, l'Empire du Sahara se sont regroupées en février 2017 au sein d'une organisation nommée Nusrat-ul-Islam. Ils ont prêté allégeance au Taliban Mullah Haibatullah, au chef d'Al Quaïda Ayman Al-Zawahiri et au chef de file de l'AQMI, Abu Musab Abdul Wadud », affirme Zerohedge. Cette nouvelle formation djihadiste a déjà revendiqué la mort d'un nouveau soldat français le 5 avril près de la frontière du Burkina Faso.

 

 

Face aux islamistes, le Maghreb réarme

 

Le Maroc vient de boucler ses manœuvres Flintlock 2017 avec l'armée américaine, pour faire face entre autres à une menace armée djihadiste. Le poste de commandement de l'exercice a été installé à N'Djamena au Tchad et les manœuvres ont eu lieu sur le territoire de 7 pays africains, dont le Niger, le Tchad, le Cameroun, le Burkina Faso, le Maroc donc, la Mauritanie et la Tunisie. Le Maroc a aussi fait des emplettes en Russie, notamment en achetant des hélicoptères Mi-28N pour traquer les terroristes la nuit, et a mis en place des procédures d'échange d'informations et de coopération anti-terroriste avec la Russie - comme il y en a déjà avec plusieurs pays européens dont la France.

 

« L'année dernière, la Russie a fourni à l'Algérie et à la Tunisie des informations et de l'aide militaire pour renforcer leurs politiques anti-terroristes. Cela incluait les images à haute résolution faites par les satellites russes des passages-frontières clé entre l'Algérie et le Tchad, le Mali, la Tunisie ou la Libye. Ces images ont permis à l'armée algérienne de faire échec à plusieurs tentatives de terroristes ou de rebelles d'entrer sur le territoire algérien ; elles ont été partagées avec la Tunisie » , explique Zérohedge.

 

La Russie est un pays qui a une importante minorité musulmane - jusqu'à 15 millions de personnes, soit 10% de sa population. Sans compter les millions de migrants d'Asie centrale, dont certains sont aussi en lien avec le terrorisme islamique, comme on a pu le constater dernièrement avec l'attentat dans le métro de Saint-Petersbourg et le démantèlement dans la foulée d'une cellule djihadiste qui recrutait parmi les migrants musulmans issus d'Asie centrale pour qu'ils aillent faire le djihad ou commettent des attentats sur le sol russe.

 

La Russie « comprend le problème et a une vaste expérience à partager. Contrairement aux Etats-Unis et aux autres puissances occidentales, la Russie n'accompagne pas son aide en faisant la morale au sujet des droits de l'Homme ou en faisant pression pour que des réformes démocratiques soient adoptées. Les armes et techniques russes ont fait leurs preuves sur les champs de bataille ; c'est pourquoi les gouvernements des pays du Maghreb se tournent de plus en plus vers Moscou » pour combattre le terrorisme, conclut Zérohedge qui appelle Occidentaux et Russes à dépasser leurs différences de points de vue sur l'Ukraine et d'autres questions pour combattre ensemble le terrorisme islamique dans le Maghreb et l'Afrique du Nord. Pour le bien commun.