En guise de préambule :
« Macron est un nom de famille rare, forme contractée de maqueron, diminutif de maquerel, nom issu du moyen néerlandais makelaer, avec le sens de courtier, entremetteur ». Tout est dit.
« Le capitalisme ira jusqu'à son terme : il détruira tout ce qui n'est pas lui. Il transformera le monde en un immense marché, au destin déconnecté de celui des nations [...] Il parachèvera ce qu'a commencé le marché depuis ses origines : faire de chaque minute de la vie une occasion de produire, d'échanger ou de consommer de la valeur marchande. »
Jacques Attali, Une Brève histoire de l'avenir (Fayard, 2006)
Cette brève affirmation se veut dans doute une prophétie. C'est, en tout cas, un vœu qu'Attali exprime sans demi-mesure, avec la fatuité et la condescendance qu'on lui connaît. Je l'ai choisi pour parler de Macron, car notre désormais Président semble appartenir absolument au monde de son mentor - comme un monstre à un cauchemar.
Macron n'est pas du tout l'illustre inconnu que les médias ont prétendu qu'il était. En 2007, il est déjà rapporteur de la Commission Attali - sous Sarkozy. Certes, le grand public ne le connaît pas, mais il ne vient pas de nulle part.
Présenté par Alain Minc à Rothschild, c'est un jeune énarque qui entre de plain-pied dans la post-modernité, sujet transnational, acteur de l'américanisation des esprits et des comportements dont il est par ailleurs le produit. Pour fêter son élection, contrairement à ses prédécesseurs, il met en lumière des artistes dits « internationaux ». C'est-à-dire apatrides. Ainsi, exit Mireille Mathieu ou Johnny Hallyday (comme pour Sarkozy) mais Cris Cab, Magic System, Richard Olinski ... Si l'on ajoute aux images de cette soirée celles de son discours qui l'a précédée, où tous les signes de son allégeance à la Franc-Maçonnerie étaient visibles, on a la parfaite synthèse de ce qu'il représente.
Pendant ce temps, Marine le Pen célèbre sa défaite en dansant sur des tubes des années 80. Autodérision ou inconséquence, tout est dit.
Le monde est « en marche ». Vers quoi, nous ne le savons pas, mais on peut raisonnablement penser que ce sera davantage un précipice qu'une montagne sacrée. Non par pas déclinisme ou tentation du vide, mais parce que ce à quoi Emmanuel Macron obéit en s'y référant est l'anti-souverainisme absolu.
Nous l'avons donc devant nous, le sujet libéral idéal, et il est à la tête de l'Etat. A le regarder de plus près, gesticuler comme Guignol et hurler comme une adolescente hystérique, on a envie de lui tendre en miroir La théorie de la jeune fille, ouvrage incontournable du collectif Tiqqun. Car voilà le portait de Macron - une jeune fille de quinze ans, l'aboutissement du libéralisme, son sujet rêvé.
Le 7 mai y a eu deux symboles : bien sûr, l'hymne européen qui est en quelque sorte le cœur du projet d'Emmanuel Macron, mais aussi le fait qu'il a mis la main sur le cœur quand il a chanté la Marseillaise - à l'américaine. Personne en France ne fait cela en chantant l'hymne national, lui l'a fait. Avec ces deux symboles forts, Emmanuel Macron a souligné que la France a voté le 7 mai pour une France européenne et une France américaine.
Lors des cérémonies du 8 mai, François Hollande a accueilli avec beaucoup de chaleur son successeur et fils prodigue. Il lui a donné l'accolade fraternelle maçonnique. A faux antagonisme, fausse réconciliation. Il a fait semblant de renouer les liens, après une brouille puérile, mise en scène il y a quelques mois, et qui devait permettre au fils de tuer le père et s'inscrire dans la course à la Présidence - comme disent les journalistes, qui ne manquent jamais d'user et d'abuser d'images rendant la réalité de la campagne politique proche d'un événement sportif (« le candidat a quelques longueurs d'avance », « ses poursuivants sont à la traîne », « il fait la course en tête », etc...).
Les journalistes, qui sont de grands thuriféraires du monde tel qu'il va, ne font plus rien d'autre que mettre ce monde entre guillemets. Et c'est vrai- il n'y a pas eu de campagne politique, sauf à considérer son sens de guerre. Nous étions spectateurs d'une série télévisée feuilletonnante, aux épisodes haletants, plein de péripéties et de rebondissements, de tension dramatique, de suspense, de surprises. Un fanatisme de tous bords, qui rappelait celui des fans de série (américaines surtout) ne faisant qu'ajouter au sentiment d'étrangeté et d'irréalité politique.
"La démocratie est une transition entre la monarchie et la dictature."
Pierre Gripari
Lorsque Vladimir Poutine avait été élu avec plus de 60%, nos médias nous mettaient en garde - affirmant que c'était là le signe d'une dictature. Evidemment, ces mêmes médias se sont égosillés en saluant à tue-tête la large victoire de la démocratie sur le fascisme. L'un comme l'autre étant imaginaires. Pourtant, Emmanuel Macron a été élu avec 66% des voix...
Je retiens quelques éléments essentiels de ces élections, qui ont trait aux votes et aux électeurs. A y regarder de plus près, on apprend ainsi que plus une commune était riche, plus elle a voté pour Macron. Que 85% des plus de soixante-cinq ans et 90% des Parisiens ont voté pour lui. Qu'il a été largement majoritaire dans les grandes villes. Un vote de classe. Une France coupée en deux. Emmanuel Macron, qui était banquier d'affaires chez Rothschild, ministre des finances sous Hollande, petit chouchou des médias et des banques prétend que « l'art français n'existe pas », qu' « il n'y a pas de culture française ». C'est un pur produit culturel, un fils de son époque, qui avait lui-même balayé le clivage gauche/droite en affirmant être ni d'un bord ni d'un autre. Cette opposition n'existant plus, la France est désormais divisée entre les souverainistes et les mondialistes. Et ceux qui s'abstiennent.
"Politiquement, la faiblesse de l'argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu'ils ont choisi le mal"
Hannah Arendt
Et ils sont nombreux. 25% d'abstention, auxquels s'ajoutent 9% de votes blancs ou nuls. On peut donc raisonnablement dire que notre président, qui était déjà notre plus jeune chef d'Etat (Louis-Napoléon Bonaparte ayant dirigé le pays à 40 ans et Valéry Giscard d'Estaing à 48 ans) est l'homme de tous les records. Porté au pouvoir grâce à la présence du Front national au second tour (le Front National, Mitterrand l'avait compris, permet au système de perdurer), son impopularité est flagrante. Aux yeux du peuple en tous cas, à qui on ne la fait pas.
A cela s'ajoute que les médias acquis à sa cause avaient méticuleusement abattu François Fillon, son adversaire direct, et que cette destruction méthodique médiatico-judiciaire l'a servi sur un plateau. Le nouveau président sera ainsi tout aussi fantoche que son prédécesseur, sa légitimité à gouverner sera tout aussi improbable, il sera tout aussi impotent - et d'ailleurs, élu avec tout l'assentiment de son peuple, il est, de toute façon, pieds et poings liés aux pouvoirs transnationaux. Les moyens de la politique sont dérisoires au regard de l'ampleur des enjeux et de la profondeur du désastre. Enfin, concernant Emmanuel Macron, la messe est dite, puisqu'il est consentant.
Les masques sont tombés les uns après les autres, et l'on a vu les limites de notre démocratie - notre impuissance agonisante. Les médias, acquis à la cause du Don Juan en marche, sont massivement contrôlés par une petite oligarchie. Le poids des lobbies, le déni pur et simple du choix populaire comme lors du référendum de 2005 sur l'Europe laisse penser que le capitalisme ne considère plus la démocratie comme indispensable à son existence. Au contraire. Le pouvoir politique est subordonné aux puissances financières. L'oligarchie actuelle à la seule fin de se maintenir, s'entête à faire perdurer un système de valeurs et d'échange organisé autour de la croissance matérielle et de la surconsommation - un système qui accélère notre entrée dans une crise écologique sans précédent.
« Il n'y a pas d'alternative»
Margaret Thatcher
Je notais, au lendemain du débat de l'entre-deux tours : Moment (prétendument) historique. J'ajoute mes réflexions au flot continu des commentaires, comme du bruit au bruit. J'en demande par avance pardon au silence, dans lequel il va m'être bon de bien vite replonger. Je me suis réveillé ce matin avec la gueule de bois. La deuxième en 10 jours, et sans boire une goutte d'alcool. Triste. Fermons les yeux et imaginons un court instant l'un ou l'autre des deux candidats d'hier à l'Elysée. Comment ne pas être saisi d'effroi ? Nous pourrions débattre du fonds pendant des heures, argumenter sur tel aspect du programme de l'un ou l'autre, mais ce n'est pas ce qui m'intéresse. Et ce n'est pas non plus ce qui a intéressé les candidats. Ce qui m'intéresse, c'est la forme. C'est incroyable de voir combien ce pugilat a été grossier et violent. La production de l'émission attendait des « punchlines », comme elle le confessait, espérait tenir en haleine les spectateurs. Tout était dans le « storytelling » pour continuer à user des mots des scénaristes hollywoodiens tant en vogue chez nous. Dans son discours tout au long de la journée, dans la préparation même de la soirée, on sentait qu'elle avait foi en son spectacle. La Production avait pour cela convaincu les deux adversaires du soir de la nécessité des plans de coupes, installé une dizaine de caméras, chauffé les médias toute la journée. Emmanuel Macron et Marine le Pen sont donc descendus dans l'arène télévisuelle en conscience. Plutôt que de se voir à l'aube, dans la brume, pistolets en main, ils avaient choisi leur fauteuil et s'étaient entendu sur la température de la salle (19°).
Pour autant, le duel promettait d'être sanglant. Il le fut. Une vraie boucherie qui n'a laissé personne indemne. Des millions de morts. Je parle des spectateurs, évidemment. Le duel a eu lieu sans esprit, sans intelligence, sans culture. On pourrait ajouter - sans grandeur. Il a ressemblé à une empoignade de foire, au mieux de conseil municipal. Marine Le Pen a déroulé son jeu mille fois rebattu. Elle n'a eu de cesse de tenir des propos exagérés et injurieux, de se vautrer dans des postures mortifères. En plus d'une stratégie (de communication, en somme) désastreuse, elle n'était pas au niveau. Elle est tombée dans le panneau du petit garçon fragile qui avait joué la carte de la peur en disant « si elle m'insulte, je quitte le plateau ». Elle incarne à merveille l'éternel perdant, tenant en permanence un jugement négatif sur les gens et les choses, et se vêtant ainsi symboliquement de l'habit de l'éternel maudit. N'ayant jamais rien proposé qui fasse rêver ou au moins ouvre des espaces intérieurs et des perspectives concrètes, les spectateurs/électeurs ont vu leurs espoirs et leurs désirs anéantis. Quant à Macron, son programme est entendu - et nous sommes prévenus depuis longtemps : légiférer par ordonnances pour en finir avec le code du travail, abroger l'ISF, renforcer les positions européistes et continuer de propager le progressisme et le déconstructivisme, tromper les agriculteurs en leur faisant miroiter qu'ils seront « payés au prix juste » et qu'ils ne vivront plus de subventions, alors même que c'est Bruxelles qui a imposé en 1992 la réforme de la PAC, laquelle a remplacé la rémunération par les prix par une rémunération par les primes, soutenir le CETA, poursuivre une politique d'alignement servile sur l'Otan, consacrer 2% du PIB pour la Défense nationale (précisément l'objectif fixé par l'Otan), soit au moins 20 milliards de plus, etc...
Avec tout ça - c'est-à-dire un programme de sérial killer politique - il était parfait dans sa tenue de boy-scout, ses gestes rabougris et robotiques de tribun de pacotille, son allure androgyne de jeune premier d'une comédie lyrique. C'est le portrait-type du psychopathe. On lui donnerait le bon dieu sans confession.
Bien qu'il ne cesse de répéter et les journalistes avec lui, qu'il représente un monde nouveau, un nouveau souffle, Emmanuel Macron, est le parfait continuateur de ce que nous subissons. Il va simplement en accélérer le tempo. Un énarque de plus à l'Elysée, compagnon et marionnette des oligarques, on ne peut pas dire que le monde a changé ou comme je l'entends à longueur de temps, qu'on est entré dans un changement de paradigme. On a juste changé de promo.
« Malheur à toi, pays dont le roi est un enfant, et dont les princes mangent dès le matin! »
Ecclésiaste 10/16
Macron - ce jeune inventé par les vieux. Comme si la jeunesse était une maladie de la vieillesse. Il fut un temps où la vieillesse était synonyme de sagesse, on pouvait avoir envie de vieillir. Aujourd'hui, les vieux ne sont plus un modèle. La question qui se pose désormais à moi c'est -Macron et après ?
Une chèvre à tête de chien ? Un pokemon ?
Lorsque, d'une voix maternante, Macron nous somme de penser printemps il s'inscrit dans la lignée de l'un de ses maîtres et collègue, Barak Obama qui avait communiqué son slogan « yes, we can » à tout bout de champ et sur tous les tons. So what ? comme disent les Anglais. « We can quoi ? »
Avec son « pensez printemps » Macron ne dit rien, et chacun est libre de croire qu'il fait référence aux « printemps arabes » pour reprendre une expression du jargon médiatico-politique. Or il n'a fait que dire « pensez printemps », maltraitant la langue et la pensée du même coup. Pour ma part, je crois qu'il faisait référence au Printemps, cette fameuse galerie marchande de la capitale française, lieu de consommation de grandes marques pour les touristes et les acheteurs compulsifs parisiens. Faire ses courses ou la révolution, chacun choisira.
Que dit-il de nous-mêmes, au fonds ? Que nous avons ce besoin d'illusion, ce besoin de croire à l'incantation, au discours magico-religieux du politique qui, parce qu'il dirait « le changement, c'est maintenant » ou bien « pensez printemps », nous dédouanerait d'avoir à faire la révolution nous-mêmes. Mais croyons-nous vraiment que la révolution peut venir d'en-haut ? Avons-nous réellement besoin de nous mentir à ce point ? De faire cette économie-là. Comment ne voyons-nous pas que tous ces printemps auxquels on nous intime l'ordre de penser, tous ces changements proclamés auxquels on nous demande de croire, toutes ces révolutions annoncées comme autant de terres promises ne sont là que pour que rien ne change ? Pour que nous continuions à ne rien faire, ne prendre aucun risque, physiques ou métaphysiques ?
Cette stratégie d'abrutissement, d'abêtissement généralisé des masses candides et apeurées est une vieille technique de sectes en somme, une ruse de bon vieux gourou - ce qu'il est. Lorsqu'on lit sous son nom, sur son affiche de campagne - « Ensemble, la France », on est saisi de ce même effroi. Si les mots, en somme, n'ont plus de sens, comment la parole politique pourrait-elle en avoir encore ? Incapable d'articuler une moindre pensée, il propose ainsi de ne plus rien articuler du tout. Macron pense en H-tag, en mots-clés. Une suite de mots clés sans syntaxe, donc sans articulation, renvoyant à ce « Je suis Charlie » qui a si bien synthétisé le totalitarisme moralisateur de l'époque. A défaut de logique et d'argument, l'époque est moralisatrice et donc antifasciste. Et son conformisme mortifère. Ainsi, le citoyen modèle est un mouton allant à l'abattoir (la langue française étant richement ce qu'elle est, Je suis charlie pouvait tout aussi bien renvoyer au verbe être qu'au verbe suivre...).
Mais tout cela, bien entendu, est pensé. « Parce que c'est notre projet » martèle-t-il. Le projet de qui ? serions-nous tentés de demander légitimement. De l'oligarchie. Elle a un nom, et même plusieurs : Bernard Henri-Levy, Jacques Attali, Pierre Bergé...pour ne citer qu'eux.
Nul ne peut servir deux maîtres, ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l'argent.» (Mathieu 6, 24. Luc 16, 13.)
D'ailleurs, n'a-t-il pas toujours dit sans vergogne ce qu'il fera ? Il habitera son nom - et entrera de fait dans la mythologie post-moderne. Les anagrammes se moquant de la morale et du bon goût vous me permettrez de vous écrire que l'une des anagrammes d'Emmanuel Macron est Mammon enculera.
PS - Quelques phrases entendues, ça et là, dans la bouche d'Emmanuel Macron :
« Il n'y a pas une culture française, il y a une culture en France et elle est diverse, elle est multiple. »
« L'art français, je ne l'ai jamais vu. »
« J'estime qu'il faut nous habituer au terrorisme. »
« Le chômage de masse en France c'est parce que les travailleurs sont trop protégés. »
« Les salariés français sont trop payés. »
« Les salariés doivent pouvoir travailler plus, sans être payés plus si les syndicats majoritaires sont d'accord. »
« Vu la situation économique, ne plus payer les heures supplémentaires c'est une nécessité. »
« Je ne suis pas là pour défendre les jobs existants. »
« Alors ce soir, pour vous et vos familles, je veux vous dire de penser printemps. »