Hamon, Fillon : malgré les mises en examen, la comédie présidentielle continue

Ce dimanche 19 mars, Mediapart a sorti un nouvel opus de son enquête au long cours sur les « ristournes » dont bénéficiaient les sénateurs UMP de 2003 à 2014. Certains d'entre eux reversaient ce qu'ils n'avaient pas dépensé des indemnités qui leur étaient versées pour leurs assistants au groupe UMP, qui leur reversait directement - ou via une association fantoche - un tiers des sommes données.

 

Les ristournes : un système qui démontre le pourrissement de la République

 

Une enquête a été ouverte, six personnes, dont trois sénateurs anciens ou actuels, mis en examen. Parmi lesquels un ministre du gouvernement Fillon, Henri de Raincourt, qui, d'après Mediapart (18/12/2016) il aurait bénéficié de 2008 à 2011 d'un complément de salaire de 4000 € par mois tiré d'un compte secret du groupe UMP du Sénat dans le cadre de ces fameuses ristournes.Et ce, même quand il a été nommé ministre des Relations avec le Parlement, ce qui contrevient à tous les principes législatifs français, et notamment à la séparation des pouvoirs.

 

Le système des ristournes a permis d'arroser certains sénateurs à hauteur de 2 à 4000 € par trimestre. En tout, 5 à 10 millions d'euros auraient été détournés. Dans le cadre de cette enquête sur les « ristournes », Mediapart n'a pas hésité - au nom du droit supérieur à l'information - à briser le secret de l'instruction à plusieurs reprises, notamment le 4 février dernier en publiant un talon de chèque datant de 2006 et émis par l'URS, pour un montant de 3205 euros et 41 centimes, ainsi qu'un chèque non daté, lui aussi émis par l'URS à l'intention de M. Fillon, de 3221 euros et 73 centimes. « Un seul détail pourrait clocher : le chèque n'est pas daté. En réalité, c'est le cas pour l'ensemble des chèques signés au nom de François Fillon, qui exigeait souplesse et discrétion », remarque Mediapart.

 

Ce dimanche 19 mars, rebelote, cette fois avec Bruno Retailleau, lieutenant de Fillon. Le journal d'investigation parisien publie un tableau tiré de la comptabilité secrète du juge saisie par les deux juges d'instruction qui enquêtent sur le dossier. En face du nom Retailleau, une mention « remboursement de frais », et un montant de 3029.36 €. Ce dernier a démenti sur Twitter tout bénéfice d'un avantage illégal, mais le montant pose question. Le tableau publié par Mediapart mouille aussi collatéralement 38 actuels ou anciens sénateurs, à savoir Gérard Bailly (Jura), René Beaumont (Saône et Loire), Jean Bizet (Manche), Christian Cambon (Val de Marne), Jean-Claude Carle (Haute-Savoie), Caroline Cayeux (sénatrice-mairesse de Beauvais dans l'Oise), Isabelle Debré (Hauts-de-Seine), André Dulait (Deux-Sèvres), Hubert Falco (député maire de Toulon dans le Var), Alain Fouché (Vienne), Jean-Claude Gaudin (Bouches-du-Rhône), Jacques Gautier (Hauts-de-Seine), Colette Giudicelli (Alpes-Maritimes), Francis Grignon (Bas-Rhin), Michel Mouel (Seine-et-Marne, décédé), Jean-François Humbert (Doubs), Christiane Hummel (Var), Benoit Huré (Ardennes), Robert Laufoualu (Wallis-et-Futuna), Antoine Lefèvre (Aisne), Roland du Luart (Sarthe), Pierre Martin (Somme), Colette Melot (Seine-et-Marne), Alain Milon (Vaucluse), Louis Nègre (Alpes-Maritimes), Philippe Nachbar (Meurthe-et-Moselle), Xavier Pintat (Gironde), Ladislas Poniatowski (Eure), Catherine Procaccia (Val-de-Marne), André Reichardt (Bas-Rhin), Bruno Retailleau donc (Vendée), Bernard Saugey (Isère), René Paul Savary (Marne), André Trillard (Loire-Atlantique) et Troendle Catherine (Haut-Rhin).

 

Tous ont en face de leur nom dans ce tableau la mention d'un montant, avec ou sans justification. Plusieurs sont déjà mis en examen. Sénateurs, ils sont censés être l'élite de la politique locale. En pratique, ils ne font que démontrer une fois de plus que les Chinois (et Lénine qui les a repris) n'avaient pas toujours tort en affirmant que « le poisson pourrit en commençant par la tête ».

 

La mise en examen de Benoît Hamon traitée comme un fait divers par les médias occupés à pourchasser Fillon

 

Du reste, de l'autre côté ce n'est pas mieux. Le 9 mars, le Réveil Normand nous apprenait que Benoît Hamon, candidat PS à la présidentielle, était lui aussi mis en examen. Les journalistes étant tous à la chasse au Fillon, et le scoop issu d'un média provincial, la nouvelle est reléguée en page faits divers, loin de l'agitation autour du candidat UMP/LR.

 

Pourtant, elle mérite l'attention. Notamment parce qu'elle souligne amplement ce qui est devenu une évidence pour bien des Français : la collusion entre grands médias (et leurs journalistes) et les candidats de gauche, qu'ils s'appellent Hamon ou Macron. Nous y reviendrons ultérieurement. Et parce que Benoît Hamon est mis en examen pour « injure envers en particulier ». Il s'est en effet permis de traiter sur Twitter, sans raison apparente, Nicolas Miguet - un homme politique local issu de l'Eure - d'escroc, en ces termes « l'escroc Miguet roule pour Pécresse, votez #Avec Barto ».

 

L'avocate de Benoît Hamon, Me Françoise Davideau, n'a eu pour toute réponse aux médias normands que cette mise en examen était « automatique » dans une pareille procédure (ce qui est du reste vrai, mais un peu court pour un candidat à la magistrature suprême) et attend du juge qu'il prononce « l'irrecevabilité de la plainte ». Pas un mot d'excuse, ni d'elle, ni de son client. Quant au juge, les Français auront l'occasion de juger sur pièce, puisqu'un ancien ministre se croit au-dessus des lois, par l'onction républicaine. C'est au pied du mur qu'on voit le maçon.