L'espace Schengen est-il une passoire ?

Si les frontières à l'intérieur de l'Union européenne n'existent plus, les frontières extérieures sont elles, relativement bien gardées, certains états (Bulgarie, Hongrie, Grèce) ayant même érigé des murs sur leurs frontières avec les pays extérieurs à l'UE, ou mis en place des patrouilles renforcées (Croatie, Slovénie, République Tchèque, pays Baltes), parfois avec le renfort de milices citoyennes formées de nationalistes (Hongrie, Pologne). Mais ces protections seraient-elles rendues illusoires alors que des ambassades de pays européens, corrompues jusqu'à la moëlle, distribueraient des visas au premier venu ?

 

C'est la question que pose le blogueur-voyageur puerrtto. Ce russe d'origine, titulaire de la triple nationalité russe, israélienne et ukrainienne, vit actuellement à Batoumi au sud de la Géorgie. Il est assez connu dans la blogosphère russe pour ses voyages qui l'ont mené jusqu'au fin fond de l'Afrique, et à travers toute l'Europe, une partie de l'Asie et du Moyen-Orient. Il dénonce aussi régulièrement dans une rubrique les petites et grandes absurdités des frontières dans ce monde - ce qui l'a déjà conduit à se rendre au pied du mur entre les Etats-Unis et le Mexique, expliquer la corruption généralisée des douaniers de l'Ouzbékistan, ou encore la difficulté d'obtenir un visa pour visiter l'Algérie - sans commune mesure avec la facilité, avec laquelle les algériens peuvent entrer, presque sans contrôle, en France.

 

Il se penche cette fois sur l'absence d'unification des bases de données des pays qui constituent l'espace Schengen. « Ce n'est pas un secret qu'il n'y a pas de base de données à 100% commune », explique-t-il. « Il est très probable que si vous arrivez avec un visa Schengen pour l'Espagne dans un aéroport estonien ou bulgare, leur police ne pourra pas vérifier tout de suite si vous avez un visa réél ou falsifié, surtout si le tampon est vrai ». Un de ses lecteurs, qui travaillait par le passé dans la police aux frontières de l'un des pays baltes, confirme que « souvent on ne voit pas dans notre logiciel les données personnelles de la personne qui nous tend son visa lors du contrôle pour les arrivées des pays extérieurs à l'Union. Surtout si le visa Schengen n'est pas de notre pays, mais d'un autre. Faire une demande ? Il faut attendre 24 heures. Et on ne peut pas arrêter chaque cas douteux - ça représente une personne sur trois ».

 

Le blogueur continue : « lorsqu'un ami m'a expliqué que le consulat lituanien à Kiev donnait des visas Schengen pour 2 à 3 ans à tous ceux qui payaient 500 dollars, je ne l'ai pas cru. Evidemment, l'argent n'était pas payé directement, mais via une agence de voyages amie, qui partageait ensuite les recettes avec les diplomates. Puis j'ai lu sur les forums que des réseaux de corruption similaires existent dans les ambassades de la Pologne et de la Grèce en Ukraine. C'est l'Europe, c'est Schengen, qu'est-ce que c'est que ce bazar ? », accuse le blogueur, qui affirme que la situation est semblable dans d'autres consulats de pays européens à travers le monde.

 

Sur ce terrain là, ce sont les africains qui ont battu tout le monde. En juin 2016, la police du Ghana mettait fin aux activités d'une fausse ambassade des Etats-Unis qui a fonctionné pendant plus de 8 ans dans une banlieue huppée de la capitale du pays, Accra. Huit personnes ont été arrêtées, tandis que d'autres suspects ont réussi à prendre le large. L'ambassade n'acceptait pas qu'on se présente pour faire un visa, mais au contraire, faisait la publicité de son activité dans des régions reculées du Ghana, de la Côte d'Ivoire et du Togo, là où les gens n'ont jamais vu ce qu'est une vraie ambassade. Pour 6000 dollars, on pouvait ainsi avoir un faux vrai visa US.

 

Les formes avaient été soignées : drapeau US, vigiles à l'entrée, portraits d'Obama au mur, et employés blancs embauchés parmi les expatriés qui vivent dans le pays. Les tampons mis dans les visas étaient, eux, une copie conforme du vrai modèle. Ces visas n'étaient bien sûr pas entrés dans la base de données de la police aux frontières américaine, mais le tampon pouvait déjà tromper les fonctionnaires des aéroports africains.