Drôme : la droite au pouvoir à la Région relance le coûteux projet de la gare d'Allan

C'est le Notre-Dame des Landes du coin. Le projet de la gare d'Allan est relancé par la nouvelle majorité (de droite) au Conseil régional de la moins nouvelle région Auvergne - Rhône Alpes. Le projet, qui va coûter jusqu'à 100 millions d'euros, pourrait se faire sur le dos de la réouverture aux voyageurs de la rive droite du Rhône, en Ardèche - seul département français de métropole à ne plus être desservi régulièrement par le train. Ce projet soulève d'importantes contestations locales.

 

Le 27 janvier, lors d'une réunion en Préfecture de la Drôme, en présence des diverses parties intéressées, la région a annoncé mettre 15 millions d'euros sur la table pour le projet ; le Conseil général de Drôme apporterait lui aussi 15 millions d'euros, et l'agglomération de Montélimar, 5 de plus. Reste à savoir ce que fait l'Etat - censé apporter 50 millions d'euros, et qui ne se presse guère de le faire.

 

Il s'agit en l'espèce de construire une gare sur la LGV à Allan, au sud-est de Montélimar - quasiment à la latitude de Viviers-sur-Rhône, ville-évêché de l'Ardèche, berceau du groupe Lafarge, située à 20 kilomètres de la capitale du nougat et de la Drôme méridionale. Pour la ville de Montélimar et la Drôme, il s'agit de rééquilibrer la Drôme en faveur du sud - plus dynamique, mais moins bien desservi, et développer une nouvelle zone industrielle et commerciale à la sortie de Montélimar, entre l'autoroute et l'ancienne RN7.

 

En revanche, pour Bernard Collignon, vice-président de l'association Rail Dauphiné Savoie Léman (ARDSL), « c'est un projet inutile, qui avait été enterré sous l'ancienne mandature, puisqu'il avait été décidé, après des études en 2009/10 que la région ne financerait pas sa part. Ce projet va urbaniser des très bonnes terres agricoles, en créant une gare-betterave, déconnectée du réseau TER et loin du centre-ville de Montélimar. En plus, comme la région ne peut pas financer à la fois la réouverture de la rive droite du Rhône aux voyageurs et la gare d'Allan, c'est l'Ardèche qui fera les frais du clientélisme dispendieux des élus drômois ».

 

S'ajoutent à cela des interrogations constantes - et consistantes - sur le chiffrage de la gare. Le plan de financement prévoit 100 millions d'euros de coût, « mais Wauquiez a affirmé qu'elle coûterait de 75 à 90 millions d'euros, sans justifier ces chiffres », poursuit Bernard Collignon, tandis que Drôme Nature Environnement cite sur son site, en novembre 2011, une étude de Réseau Ferré de France qui « a chiffré ce projet à 230 millions d'euros auxquels s'ajouteraient 24 millions d'euros de frais de fonctionnement par an ».

 

Le tout pour 4 aller-retours quotidiens ! Ils s'arrêteront à Montélimar-TGV (Allan), au lieu de Montélimar-centre. Et - peut-être, tant la ligne est chargée - 15 minutes de gagnées sur le temps de parcours depuis Paris ou Lyon, et qui seront vite reperdues pour se rendre à Montélimar-centre. Sans compter que le TGV s'arrête déjà 50 kilomètres plus au nord - à Valence - et 50 kilomètres plus au sud - à Avignon. Un nouvel arrêt à Montélimar-Allan n'aurait pas de sens. Et puis l'époque du TGV dans chaque gare - éventuellement tiré par une locomotive diesel (*) -, pour plaire aux élus locaux, est bel et bien finie.

 

Drôme Nature environnement poursuit : « toutes les gares de ce type, en plein champ, ont été des échecs (Vendôme, Le Creusot, Haute-Picardie ». De son côté, Bernard Collignon remarque que « le marronnier pour justifier ce projet, c'est l'ouverture de la reconstitution de la grotte Chauvet, qui attirera énormément de touristes. Mais ils viennent déjà ! ». Plutôt que de dépenser 100 millions d'euros (voire plus), l'ARDSL propose d'améliorer sensiblement la desserte locale avec « le doublement des TER Orange - Lyon, voire la mise en place de TER qui aillent jusqu'à Grenoble, où beaucoup d'étudiants de la Drôme étudient »

 

(*) De 2000 à 2004, la SNCF s'est pliée aux désirs de Philippe de Villiers, alors président du conseil général de Vendée. Celui-ci voulait éviter aux voyageurs pour les Sables-d'Olonne, nombreux l'été, la corvée de devoir changer de quai à la gare de Nantes, et avoir le prestige d'arrêts TGV à la Roche-sur-Yon et aux Sables, bien que la ligne n'était pas alors électrifiée. Soutenu par les élus locaux de tous bords - y compris Jacques Auxiette, devenu plus tard président (PS) de la région des Pays de Loire, il a obtenu ce qu'il voulait, moyennant 15 millions de francs de dépenses d'exploitation par an pour les collectivités locales, et 21 millions de francs d'investissements pour modifier trois puissantes motrices CC72000 et 8 rames TGV. Et ce bien que pour couvrir les 86 km entre Nantes et les Sables, le TGV tracté mette 1h20 - dont dix minutes de perdues pour atteler la locomotive à Nantes - contre 1h10 pour le TER. En 2003, lasse, la SNCF voulut arrêter cette exploitation déficitaire et déraisonnable. Le département la « sauva » en payant un peu plus, puis abandonna en 2004. Depuis, la ligne a été électrifiée de Nantes aux Sables en 2008, et le TGV y est revenu.