Les blindés turcs en Syrie, pour le meilleur ou pour le pire

A peine cinq mois sont-ils écoulé après le retrait des forces russes de Syrie, la Turquie a changé de tactique en déclenchant une opération au sol. D'abord, l'objectif du "Bouclier de l'Euphrate" était de "nettoyer le district de Jerablus de l'organisation terroriste Daech", a annoncé un communiqué officiel du Bureau du premier ministre turc. Plus tard, le président Recep Tayyip Erdogan a précisé que l'offensive viserait non seulement les djihadistes, mais également les Unités de protection du peuple, une branche armée kurde proche du Parti des travailleurs du Kurdistan turc, PKK. En d'autres termes, Ankara va une fois de plus concentrer ses efforts contre les Kurdes, bien que ceux-ci s'avèrent les plus capables de stopper l'Etat islamique. Et cela se fait avec la bénédiction de Washington.

 

Que cache cette intervention que personne n'attendait? C'est une conjonction de plusieurs facteurs:

 

 

La réaction internationale est d'un cynisme absolu. Washington continue son double-jeu. Tout en assurant la couverture aérienne à la tête de la coalition internationale anti-Daesh, les Etats-Unis soutiennent secrètement un avenir fédéral kurde. En ce qui concerne le gouvernement syrien, il dénonce, en sainte colère, "l'agression" turque qui n'est rien d'autre que la "violation flagrante de la souveraineté" nationale. Sur le point précis des Kurdes, en revanche, Erdogan et son homologue Bashar el-Assad ont bien des intérêts convergents. Il existe un accord tacite de facto entre le président syrien et les Kurdes. Maintenant que le régime s'est renforcé, surtout depuis l'accord russo-turc, Damas ne veut pas non plus que les Kurdes de Syrie deviennent trop importants.

 

Face à ce théâtre de l'absurde moyen-oriental, la Russie, elle, semble faire un écart. Compte tenu de de la normalisation des relations avec la Turquie et de la double-alliance avec Bashar el-Assad et les Kurdes (plus précisément, le Parti de l'union démocratique, PYD), Moscou s'est dite "profondément préoccupée" par l'intervention turque. Le ministère russe des Affaires étrangères a une fois de plus tranché: "La crise syrienne ne peut être réglée que sur la base du droit international, à travers un dialogue intersyrien, avec la participation de tous les groupes ethniques et confessionnels, y compris les Kurdes".

 

Quoi qu'il en soit, un pas important vient d'être franchi, pour le meilleur ou pour le pire. Une chose est sûre: les objectifs d'une "lutte antiterroriste" ne tiennent pas et les Kurdes syriens seraient les grands perdants d'une nouvelle aventure turco-otanienne au Moyen-Orient.

 

 

 


Автор
Valéria Smakhtina