La Russie et Israël : un tandem réussi ?

Le champagne a coulé à flots sous le pont Mirabeau. On a eu le temps de dessaoûler et de reprendre le collier du métro-boulot-dodo, le tout à la sauce de la capitale. Et la joyeuse bande de mes confrères s'est remise à leurs plumes pour amuser le grand public avec leurs écrits. Et comme j'en fais partie, je me fais un plaisir de commencer cette année en beauté après une visite dans la Terre Sainte pendant la période de la Noël orthodoxe.

Il est vrai que je mène une vie plutôt mouvementée et suis plutôt accoutumé de me faire réveiller en pleine nuit à Jérusalem par un auteur breton qui passe des nuits blanches à Nantes et s'interroge quand est-ce que j'aurais efin l'obligeance de publier son nouvel article en pleine période des vacances hivernales où toute l'équipe trinque à la vodka ou sabre du champagne dans leurs domiciles conjugaux respectifs. Cependant, il y a un petit brin quelque chose qui, à mon sens, exige un moment de réflexion et de remise de nos pendules à l'heure ; après cette période de paresse saisonnière méritée à la sueur de nos fronts.

Un ami que je respecte beaucoup et que je considère comme un compagnon d'armes, un ancien militaire, tout comme moi d'ailleurs, m'a écrit en demandant si la Russie, selon moi, allait encore essayer longtemps de rester assise sur deux chaises proche-orientales à la fois, c'est-à-dire la coalition Syrie-Iran et autres pays arabes et Israël que Moscou semble ménager et bichonner contre vents et marées.

A ce propos, je dirais que la politique de la Russie à l'égard d'Israël est au coeur même du dispositif diplomatique russe dans la région. Je comprends très bien que nombreux sont ceux qui considèrent l'Etat hébreu comme une plaie ouverte au Proche-Orient. Cependant, il existe quelques faits objectifs dont il faut bien tenir compte si on ne veut agir en êtres passionnels et déraisonnables.

La première donne est justement cette population d'Israël, forte de quelques 8 Millions d'habitants. Dans le temps, j'avais essuyé pas de brimades de la part de mes connaissances qui voulaient « bouter les Arabes dehors de l'Hexagone »... Du tac-au-tac, je leur rétorquais que personne ne peut se débarasser de plusieurs millions d'êtres humains et qu'il fallait apprendre à vivre avec. Cette fois-ci je suis obligé d'appliquer la même logique à Israël. Quoi que vous en pensiez, quelles que soient vos convictions personnelles, vous ne pouvez quand même pas être sérieux et parler de raser l'Etat hébreu de la surface terrestre. L'existence du peuple juif au Proche-Orient est devenue une donne irréversible. La responsabilité en incombe d'ailleurs aux Britanniques qui le statuèrent lors de la conférence de Balfour. Ceci dit, je n'entends absolument pas plaider la cause de la politique d'Israël à l'égard de ses voisins d'autant plus qu'à ce propos il existe des points de vue divergents au sein même de la société hébreue.

Cependant, lorsque j'étais passé à Béthléem, j'avais côtoyé les Arabes chrétiens qui, eux, comprenaient la vraie réalité de l'existence qu'ils voulaient pacifique : ils tentaient coûte-que-coûte pacifier les parties belligérantes. 

Je peux vous citer également un autre cas de figure qui, cette fois-ci, n'a rien à voir avec les chrétiens mais a trait aux Alaouites syriens :

« Le village de Ghajar Wazani situé aux confins du Golan à la frontière israélo-libanaise est le village Alaouite d'Israël. Il est situé à quelques kilomètres du lieu-dit les Fermes de Chebaa dans un site enchanteur en surplomb de la rivière Hasbani qui se jette plus loin dans le lac de Tibériade avant de devenir le Jourdain.

En 2010 Israël s'est unilatéralement retiré de la partie Nord du village (Wazani) rendue au Liban et placé sous contrôle des Nations-Unies. Mais les 2200 habitants Alouites de Ghajar Wazani vivent mal cette décision et cette séparation.

Ils parlent hébreu sont israéliens et fier de leur culture et de leurs racines syriennes. »

 

http://www.gerard-brazon.com/article-des-syriens-alaouites-vivent-deja-en-israel-sur-le-golan-a-la-frontiere-libanaise-100885387.html)

 

Avant le retrait d'Israël survenu en 2010, les habitants du village se plaignaient régulièrement des poursuites des autorités hébreues. Je vous en laisse juges.

 

Pour ce qui est de la politique de la Fédération de Russie, elle est facilement explicable par le fait que plus de 30% de population d'Israël est d'origine soviétique (attention à ne pas confondre avec les Russes) et dans la plupart de cas a gardé des attaches familiales en ex-URSS sinon la citoyenneté des pays de la CEI. Moscou qu'a-t-elle à faire si ce n'est d'accepter le statut de ces gens, souvent bi-patrides, avec un passeport russe ou arménien ou encore kazakh en poche ?

 

Comme nous voyons, deux arguments - et de taille - sont de mise. Tout d'abord, on ne saurait renier à Israël son droit d'existence là où il est. C'est une réalité objective et inébranlable. Secundo, on ne peut effacer la mémoire et l'historique de plusieurs millions de familles russo-israéliennes qui forment d'ailleurs un électorat bien en vue dans les deux pays en question.

 

Il est vrai que es relations avec la Russie ne sont pas toujours au beau fixe, mais Vladimir Poutine semble réussir son pari en reprenant la même tactique dont il a su faire preuve en traitant le problème tchétchène, dans le Caucase.

 

Pour comprendre cette politique, il faut appréhender la logique intrinsèque de la Russie : elle se pense et agit en une nation pluri-ethnique et multi-lingue. C'est un peu l'ONU en miniature occupant l'espace d'un continent et solidement soudé par les ethnies russe et tatare. Cet Etat reconnaît les siensd par rapport au droit de la langue (parler russe comme au moins la langue de communication inter-ethnique), droit du sol et/ou du sang (vivre, être né ou être apparenté à la population locale, russe, tatare, biélorusse, ukrainienne, juive, arménienne ou autre), droit de religion (facultatif mais de plus en plus fort dans le subconscient collectif)...

 

Les Juifs russes qui ont de la famille en Israël n'échappent pas à la règle générale : je connais plusieurs couples ou Papa lit la Torah tous les jours, mais les petits sont baptisés et vont à la messe de dimanche. Comme quoi on ne peut épurer le monde, mais on est obligé de trouver des compromis.

 

Quant à Poutine et à sa politique par rapport à Israël, à mon sens, il reste pragmatique en reconnaissant ce pays pour une puissance régionale et recherchant la paix et la coopération. Comme il le fait d'ailleurs avec d'autres pays de la région. Cette politique s'avère être la plus sage Moscou n'ayant pas de partis pris au Proche-Orient et ne cherchant point à en acquérir.

 

 


Автор
Alexandre Artamonov